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Échos de Luz 2016


Un Poco Loco

Dès les premières notes, surgissent les fantômes de Bob Brookmeyer, Ralph Pena et Jimmy Giuffre sous acide, téléportés soixante années plus tard, dans une petite salle des fêtes de Luz St Sauveur, où trois de leurs descendants ” Un Peu Fous “, déroulent, triturent, malaxent, jouent avec respect, espièglerie et gourmandise, des standards du Bop, dans une veine ” West Coast “, égratignant de griffures ” free “, de grognements de trombone, de claquements d’archets, de couinements d’anches, ré-imaginant de manière ” Un Poco Loco “, un vieux répertoire auquel Fourneyron, Beliah et Gesser, redonnent une fraîcheur, ” Un Poco Loco “.

Ches Smith / Craig Taborn / Mat Maneri

Lent flux répétitif qui enfle, bribes de thèmes esquissés, concentration, écoute active de Taborn, Maneri et Smith, le trio sidère par sa qualité de jeu, sans chorus disparaissant au profit de la musique, l’atonal entrant en collision avec les tempos binaires, Smith alternant poly-rythmes percussifs et nappes dissonantes de vibraphone, Taborn envoûtant d’ostinatos lancinant et de grappes de notes frissonnantes, Maneri tempérant la fougue de ses partenaires, de caresses aigres douces à l’alto, le trio de Chess Smith proposant une musique rare, dense, d’une grande richesse créative, bien plus enthousiasmant au concert, que dans la production phonographique aseptisée de Manfred Eicher.

Gaspar Claus / Will Guthrie / Thomas Bonvalet

Rythmes dissonants, résonnants en cascade dans une danse tournoyante, sur les martellements percussifs de Guthrie, peintre sonore décorant l’espace, zébré de coups d’archets frénétiques de Claus, de cordes de banjo frappées, percutées, jaillissant du bric à brac sonore iconoclaste de Bonvalet, habité d’une gestuelle révélatrice de sons, trio se jetant à corps perdu dans un blues haletant déstructuré, dans une chute vertigineuse produisant d’impressionnants éboulements sonores, puis faisant émerger du silence, d’imperceptibles éclats, vibrations, riffs, les trois musiciens offrent une performance musicale d’une incroyable intensité.

Alex Mendizabal

Dans le recueillement du silence, des visiteurs souriant et détendus, déambulent au milieu d’énormes ballons multicolores, expulsant l’air emmagasiné dans leur baudruche, dans de minuscules tuyaux branchés comme des perfusions sur des bouteilles de plastique, produisant une symphonie de micro-sons en perpétuel changement, sous l’effet de bulles de savon éclatant imperceptiblement en ricochet, créant un univers aussi apaisant que magique, démontrant que la musique vie partout, autour de nous, dans l’installation aussi naïve que brillante de Mendizabal, poète inventeur de rêves sonores.

Fidel Fourneyron

Bruitiste ou mélodiste, produisant une polyphonie de sons avec un swing redoutable, malaxant grognements, graves vibrants, glissandos impressionnants ou souffle continu, Fidel Fourneyron honore à la fois les grands maîtres du jazz de JJ Johnson à Bob Brookmeyer, jusqu’aux souffleurs avant-gardistes, tels Albert Mangelsdorf ou George Lewis, parvenant a fusionner avec une grande fraîcheur de jeu, des styles qui se partagent rarement la scène.


Le 7eme Continent

Dès le début, la masse orchestrale s’étale lentement dans l’espace, et on imagine aisément ce monstrueux continent flottant comme un gigantesque iceberg au milieu de l’océan pacifique.

Le son du Sextet ne fait qu’un, les pianos préparés, percussifs, produisent rythmes et tempo claudicants, les clarinettes poussent des cris d’oiseaux perdus, au dessus de cette étendue hostile de matières plastiques, la contrebasse se fait percussive, bardée d’entonnoirs emprisonnés dans ses cordes, soutenue par le souffle grave et sourd de la flûte contrebasse, le groupe de Pascal Niggenkemper, interprétant la bande son d’un film catastrophe électrochoc, intitulé ” Le 7eme continent ” : Aux actes citoyens du monde, avant que le plastique ne bouffe la planète !

Gaspar Claus solo

Surprenante sonorité, jaillissant d’un seul violoncelle, avec une telle puissance pour un instrument acoustique, magnifié par la réverbération du coeur d’église, avec encore cette sensation d’amplification électronique, puis très vite, Gaspar Claus fait sonner les cordes vibrant dans la caisse, la musique s’élevant, baroque, libre, folle, brillante, émouvante, nous laissant suspendus à chacune des notes de ce magnifique musicien.

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Pascal Niggenkemper solo

Compositeur, improvisateur, bricoleur de contrebasse, Pascal Niggenkemper étonne par son jeu de contrebasse préparée, comme le pratique certains pianistes, ajoutant à son instrument tout un attirail d’ustensiles de bois et de métal, pour transformer et extirper de son instrument des sons acoustiques, donnant l’impression d’écouter une lutherie électronique, expérience renversante, dans la magnifique petite église d’Espuieze-Serre, amplifiant naturellement sous sa voute, un instrument dont il extrait des sons totalement insoupçonnés.

Basile Robert

Dans la pénombre, des formes de métal et de lumière apparaissent dès que les pupilles des yeux se dilatent dans l’obscurité. On s’approche pour observer de plus près ces étranges créatures, quand un flash de lumière, et un fracas sonore font sursauter, sous les manipulations espiègles de Basile, s’amusant tapis devant son ordinateur, à surprendre les visiteurs de son installation d’automates de ferrailles de récupération, mécano géant bricolé, délirant, produisant sons et lumières, mû par une armée de ressorts, fils de fer, balanciers, contrepoids, pilotés avec gourmandise par l’artiste.

Aum Grand Ensemble

Lenteur statique contemplative de notes solitaires égrenées par une guitare, introduction progressive des cuivres, bois, contrebasse, piano, percussions, vibraphone, clavier, électronique, la musique enfle comme une brume s’étale sur un océan, l’avalant totalement pour installer un univers vaporeux d’où émerge une voix fantomatique, progression d’un crescendo de la masse orchestrale jusqu’à un paroxysme sonore tellurique, fracturé d’imperceptibles frottements, caresses, effleurements, la musique du Aum Grand Ensemble, toute en micro-mouvements, crée une ambiance de mystère apaisant, dans un monde sonore inconnu.

Anthonin Tri Hoang

Micro-rythmes sur les clefs, pincements de anche, souffle imperceptible dans le bec, donnent l’impression d’entendre chanter au loin, un coucou dans une forêt, accompagné d’un pic vert percutant l’écorse d’un tronc d’arbre, la respiration continue produisant l’effet d’une brise légère, une polyphonie de multi-sons traversés de silences, un moment poétique que le solo d’alto organique d’Antonin Tri Hoang, superbement réverbéré dans l’église de Sazos.


Ostaar Klake

Un gros son pète à la gueule dès le premier morceau, propulsion rythmique musclée, contrebasse /batterie percutantes, poussant les deux saxophones barytons énervés en ” chase “, dans des chorus “free-jazz” débridés, chassé-croisé d’anches et de clefs triturées, quartet sympathique, rentre-dedans, que l’on espère retrouver bientôt, avec une pincée de subtilité en plus, et un rodage plus aiguisé, pour nous régaler d’avantage.

Christian Pouget, textes et photos

 

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