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Souillac, la passion du jazz

SOUILLAC EN JAZZ / 15 – 21 juillet 2018

43e édition de ce festival né en 1976, et la passion est intacte sur les rives de la Dordogne. Souillac accueillait des invités prestigieux place Pierre Betz, au pied de l’abbatiale Sainte-Marie magnifiée par les jeux de lumière.

A une dizaine de km de Souillac se trouvent les grottes de Lacave. Et dans ces grottes une immense voûte minérale, d’une beauté irréelle. Au programme le 17 juillet : Whispering Souls. Olivier Py joue du sax – ténor et soprano. Alioune Koné de la kora chromatique. Ils sont amis depuis le début des années 90 et ce projet en duo les réunit enfin. Leur complicité est totale, un regard suffit et la musique coule d’une seule voix, limpide, subtile, évidente. Magnifique alchimie entre les notes de la harpe mandingue et la fluidité du sax. L’espace de la grotte accentuait la proximité avec les sons pour une expérience rare au milieu des stalactites .

 

Il n’y avait que trois dates en France pour découvrir l’Indo-Pak Coalition de Rudresh Mahanthappa – dont le 19 juillet à Souillac.  Elu meilleur saxophoniste alto 2017 par Downbeat, Rudresh Mahanthappa explore le registre médium/grave de son instrument, retrouvant ses racines dans la musique indienne classique. Les lignes serpentines dessinées par le sax s’envolent dans la nuit, appuyées d’effets électroniques discrets. Râgas hypnotiques ponctués par le gros son distordu, tranchant, de la guitare de Rez Abbasi. La palette sonore du guitariste est riche, alternant un jeu heavy metal bien saturé et des séquences inspirées du phrasé d’un Wes Montgomery. Dan Weiss, expert en rythmique indienne, propulse le trio, passant de la batterie aux tablas. L’Indo-Pak Coalition a été une révélation : musique envoûtante, un pont reliant la scène new-yorkaise contemporaine à une tradition millénaire.

 

Les incertitudes météorologiques nous ont chassés de la place Pierre Betz le 20 juillet. Il a fallu se replier vers le Palais des Congrès surchauffé – certainement pas le meilleur cadre pour héberger le trio de Théo, Valentin Ceccaldi, Guillaume Aknine et les embardées cosmiques du Supersonic de Thomas de Pourquery. Malgré l’inconfort de la salle, la soirée a commencé par un moment de pur bonheur avec Django, en création s’il vous plaît. Une avant-première réservée à Souillac en Jazz. Django… Reinhardt ? Django Bates ? Le Django de Tarantino ? A moins qu’il ne s’agisse du chien de Guillaume Aknine qui répondait (ou ne répondait pas) au nom de Django. En tout cas il ne faudra pas y chercher un hommage compassé au guitariste du Hot Club de France, même si les fantômes de Minor Swing hantent la partition. La musique est stupéfiante de virtuosité et de maturité, jouant des tensions pour atteindre une Suite extatique, le temps suspendu à l’archet de Théo. Pour moi le plus beau moment de ce festival.

 

Avant de rebondir dans la stratosphère quelques minutes plus tard avec le Supersonic. Effervescence des ensembles cuivrés portés par la batterie explosive d’Edward Perraud et ses pluies météoriques de cymbales. Laurent Bardainne au ténor et Fabrice Martinez (trompette et bugle) font merveille dans ce Supersonic qui sait jouer survolté et calmer le jeu avec des plages sereines. Simple Forces ou le grand art des mélodies qui accrochent. Il y a dans cette formation une complicité, un bonheur de jouer communicatif et le charisme joyeux de Thomas n’y est pas pour rien. Après le concert, les mélodies continuent à tourner dans l’espace. We Travel The Space Ways. Cette nuit, le Palais des Congrès a volé haut dans les galaxies du jazz.

 

Nous retrouverons la place Pierre Betz le 21 juillet pour le très attendu quartet de Joshua Redman avec Billy Hart. Belle écoute et beaucoup de respect entre ces quatre pointures : Joshua Redman concentré, puis aérien, magistral dans la maîtrise des contrastes. Un son épuré. Billy Hart, « one of the best drummers of all time » nous dit Joshua et on entend l’admiration profonde du saxophoniste pour son aîné. Le temps n’a pas de prise sur ce batteur de légende, tout en puissance et en finesse. Ethan Iverson (The Bad Plus pour les aficionados) au piano, étonnant d’invention et de liberté. Ben Street, contrebasse virtuose et boisée, dans la droite ligne de Miroslav Vitous et Dave Holland qui furent ses maîtres. Une bien belle façon de clôturer le festival, la tête dans les étoiles.

 

Mais Souillac en Jazz, ce n’est pas seulement les rendez-vous nocturnes de la grande scène. Il faut aussi flâner l’après-midi dans la vieille ville, se poser en terrasse de café pour écouter l’hélicon du Karpates Show (Clara Ponsinov, Igorbatchev, Vassili, Vladimir) et les discours déjantés d’un improbable Politburo. De l’humour dans ce voyage en grande Tatouasie mais avant tout une musique chaleureuse qui  aime le partage. Même générosité avec le duo Religo. L’écriture est raffinée, installant un équilibre subtil entre la trompette de Nicolas Algans, élégante et précise, et la guitare à 7 cordes d’André Da Silva.   Il y a dans le bagage du guitariste quelques notes voyageuses venues en droite ligne du Brésil. Et Clopin-Clopant  a été un vrai coup de cœur : quatre musiciens complices, amoureux du swing, plus la voix de Sara Longo, présence solaire, revisitant avec bonheur les standards de Billie, Sarah, Ella… Notre mémoire !

 

Souillac en Jazz se porte bien pour ses 43 ans. Un grand merci à son directeur artistique Robert Peyrillou et aux bénévoles qui accueillent les musiciens et le public dans les meilleures conditions. La douceur de vivre du Quercy au service du jazz, un beau programme !

Jean-Yves Molinari (texte et photos)

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