Eric Seva , Daniel Zimmerman, « Deux souffleurs sur un fil », disque du mois JAZZ IN en septembre 2024, en concert privé quelques jours après le Sunside.
Septembre 2024… Quelque part en Nouvelle – Aquitaine, mais peu importe le lieu. Peuplé d’irréductibles, à ce qu’on dit. Y en a des bien.
Météo clémente. Le soleil était de la partie, aurait dit le correspondant de Sud-Ouest.
Une grange à l’italienne. Avec ses loges et son balcon. Avec son enclume et son établi-bar américain. En d’autres temps, Johnny CASH & Tennessee Three Stalter Brothers auraient pu s’y produire. Mais là, Johnny n’avait pas pu venir. Devant la porte de la grange, du chenu et du buriné par les ans. Mais pas que. Le jazz a de longues années derrière lui .Son public aussi, ça peut arriver. Parfois, comme pour la musique, la valeur attend le nombre des années.
Le patron du lieu l’a dit, ça va être du nu… Sans affectation, ni micros que ce soient. Au premier des spectateurs, on pourrait en tendant la main, toucher « à gauche de votre poste de radio », aurait dit Roger Couderc, qui le trombone de Zimmermann, chemise à fleurs pervenche, qui le sax baryton d’Eric SEVA, chemise à fleurs rose.
Le premier titre (Oblivion, de Piazzolla) rend justice au son bien mat du lieu et surtout à la maîtrise des deux instrumentistes. Un trombone et un baryton, si l’envie leur en prenait, pourraient bien faire décoller les casquettes du dernier rang. Là, non. Tout n’est que ciselures et volupté. Impression de liberté d’harmonies et de rythmes mais musique sur papier millimétré. Arrive ensuite Luz d’Eus, un hommage aux magnifiques lumières du village qui fait face au Canigou, avec une longue introduction très évocatrice au saxophone.
Vient ensuite Méditation profane, de D.Zimmermann, inspirée par la musique gnawa, avec d’abord de beaux instants comme suspendus. La sourdine du trombone, les souffles et les bruits de clés du saxophone semblent délivrer les bruits d’une nature mystérieuse. Puis viendront les dialogues entre les deux instruments, alternance de riffs et d’échappées, chacun servant de support à l’autre.
Après Les valseuses de Grapelli et le Liber tango de Piazzolla, une ballade d’E. SEVA, Ergal, qui devient vite bien moins sage, quand celui-ci lance ce qui pourrait bien ressembler à des tumbaos de basse latino.
Pour finir, le Caravan de Juan Tizol, dans lequel les deux instrumentistes semblent avoir jeté toute leur technicité, leur complicité et même toute leur fantaisie, nous permirent, pour peu qu’on ferme un peu les yeux d’imaginer les poursuites endiablées des créatures de Tex Avery. Moment délicieux.
Où l’on apprend à la fin que les parents d’Eric Séva étaient propriétaires d’un dancing. Pour donner le coup de grâce à la cinquantaine de personnes composant le public, on nous administre sans anesthésie générale Indifférence, qui au final, et je reconnais que c’est facile, ne laissa personne indifférent.
Denis FREMOND, texte
Jeau-Yves MOLINARI, photos