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Le 36° EUROPA JAZZ FESTIVAL vu par Clap’Coop

Europa Jazz – Le Mans  – 2015


DonnarierBoisseauMathieu Donarier / Sébastien Boisseau

Oscillant entre chant méditatif ou improvisation vibrante, utilisant les réverbérations naturelles de la collégiale, jouant sur les échos et les silences, se jetant soudain dans de vifs accelerandos ” free “, puis sous l’impulsion d’une puissante pulsation de contrebasse, se lançant dans une transe rythmique, la musique s’élève, vibre, les cordes claquent, le ténor s’éraille, le magnifique duo Mathieu Donarier / Sébastien Boisseau chante, s’engage dans un jeu d’échanges ardents, installant une atmosphère intense, dans l’écrin privilégié de la voûte de Saint Pierre la Cour.


Peter EvansPeter Evans “Zébulon trio”

Leitmotiv tournoyant du cornet seul, résonances baroques déconstruites, lente pulsation rythmique enflant crescendo, échos de gamelans à la batterie, jeu staccato accéléré de la trompette, puissance du souffle s’engouffrant en pression dans l’embouchure, cris, chuchotements, divagations de l’archet, violentes accélérations, densité/intensité du tempo, multi-sons, grognements, crachements, escalades paroxystiques, le trio Zébulon de Peter Evans, John Hebert et Kassa Overhall, bondit, rebondit, éructe, sans nous laisser reprendre notre souffle, au bord de l’asphyxie, subjugués, sidérés à l’écoute de ces riffs répétitifs, de ces boucles de sons purement acoustiques, de ce souffle brûlant, sauvage, envoûtant.


DucretMarc Ducret “Tower Bridge”

Claque magistrale, que le déploiement des trois volets ” the Real Thing “, du projet Tower Bridge, œuvre protéiforme à l’orchestration complexe, à la puissance instrumentale percussive avec ses deux batteurs et son multi-percussionniste-vibraphoniste, son piano martelé, le souffle imposant de ses trois trombones, créant des effets de masse impressionnants, son orgue Hammond rugissant, équipé de sa tête ” Leslie “, son saxophone basse aux grondements telluriques, tous créant une pulsation rythmique phénoménale.
Ducret, supra-guitariste, dirige sa machine infernale du bout des doigts, au milieu de sa troupe, sans prendre un chorus, préférant laisser s’exprimer, violon, saxophones et trombones, démontrant au- delà sa virtuosité instrumentale, quel compositeur majeur il est, maîtrisant à la fois, solo acoustique, trio explosif, et cette grande formation, présentant un jazz contemporain d’avant-garde, riche, inventif, parmi les plus originaux de la scène internationale.


IXI ( Roy, Ceccaldi, Huby, Sakai )

Instantanément, le son, l’osmose, les vibrations acoustiques des cordes, du bois, les résonances de la voûte de Saint Pierre la Cour impressionnent. Plages apaisées faisant surgir des paysages désertiques post-apocalypse, aux imperceptibles harmoniques, spirale ascensionnelle aspirant les archets vers de furieuses fulgurances, riffs lancinants, unissons tournoyants, le quatuor IXI se jette dans une danse de pizzicatos, coups sauvages d’archets, étirant le son, emportant littéralement les vibrations des cordes dans un époustouflant flot enivrant.


Louis Sclavis “Europa trio”

Sclavis fascine toujours, avec ses chants inspirés de folklores méditerranéens, slaves ou imaginaires, mêlés à des improvisations débridées aux clarinettes et au soprano, avec son fabuleux son de clarinette basse, ses accelerandos, ses graves profonds d’une grande beauté, partagés avec l’excellent Emil Spaniyi au piano, et Simon Goubert, batteur au jeu puissant, envahissant parfois un peu trop, l’espace musical.


BarrePhillipsPaul Rogers / Barre Phillips

Entre Barre, barde d’une musique ” perpétuellement ” libre, et Paul, virtuose engagé, on ressent une intense émotion jusqu’aux larmes, dans cet échange magnifique de deux maîtres de la contrebasse acoustique.


PifDominique Pifarély “Ensemble Dédales”

Richesse de l’écriture orchestrale, intensité du jeu des musiciens, virtuosité d’interprétation, musique brillante, complexe, mêlant jazz et formes contemporaines, tempos binaires /ternaires, l’Ensemble Dédales nous rappelle dans son introduction, que Pifarely fut membre actif de ” The Cortege ” de Mike Westbrook, avec cette lente marche, presque funèbre, ce tempo martial d’ouverture, mettant en orbite un long chorus aussi physique que lyrique, de Corneloup au baryton. Densité du jeu, cassures de rythmes, pulsation élevant le violon au-dessus de la masse orchestrale, soutenu par des riffs puissants bugle/trombone/baryton, contrechants flûte /clarinette, l’Ensemble pousse l’alto de Roy vers des cimes au bord du vide, Corneloup barrit, triture, ” groove “, malaxant ses graves, polyphonie bruitiste bugle / trombone, ostinatos entêtants du piano relançant la machine, introduisant chaque nouvelle pièce, nouveau tempo, propulsé par la contrebasse pivot d’Hélène Labarrière, vifs coups d’archets de Ceccaldi au violoncelle, l’Ensemble Dédales de Pifarely, surprend, rebondit, change de cap, maîtrisant constamment tension / détente : Magnifique !


AirelleBessonAirelle Besson / Nelson Veras

Les fantômes de Chet Baker et Kenny Wheeler ont dû venir rôder dans le dortoir des moines de l’abbaye de l’Epau, au milieu de la nuit, après que ce soit dissipé dans l’air la musique, pour écouter résonner les pierres et la charpente, pour entendre l’écho des vibrations du souffle léger comme la brise, la pureté du son de la trompette, la délicatesse du jeu de la guitare acoustique, la complicité fébrile d’Airelle Besson et Nelson Veras, jeune duo surprenant par sa singulière beauté.


Paolo Fresu Quintet

Charme roublard, virtuosité classieuse, élégance latine, mise en scène humoristique un peu trop systématique, le superbe quintet italien de Paolo Fresu à la mécanique parfaitement huilée, déroule son tapis de mélodies, de rythmes bop moderne aux parfums romains, toscans, sardes, avec une décontraction désinvolte, donnant l’impression de cinq musiciens très professionnels, faisant le boulot pour le cachet, sans véritablement s’engager, laissant un sentiment mitigé, sur cette façon un peu démagogique de jouer du jazz, comme un spectacle, sans vraiment vivre intensément cette musique.


Barre Phillips / Urs Leimgruber / Jacques Demierre

Quand dans un excès fiévreux, le piano a sonné comme le choc sismique de plaques continentales se percutant, quand le saxophone s’est mis à hurler des cris d’effrois, compressé par la masse tellurique, Barre à la jeunesse espiègle, et sa contrebasse acoustique imperceptible, se sont élevés au milieu de ce chaos, avec humour, sérénité et poésie, faisant retomber les tensions du trio, jusqu’aux limites audibles du silence.


Daunik Lazro / François Corneloup

De l’enchevêtrement de tuyaux tordus, noués, de l’imposante masse de métal des deux cornes, montent le souffle puissant de graves abyssaux, les claquements des clefs laissant échapper l’air emprisonné dans ces labyrinthes de cuivre, le feulement des anches sous la pression des colonnes d’air, laissant monter le cri du chant aylérien. Corneloup se contorsionne, dansant sur ses tempos d’infra-graves répétitifs, malaxant la matière, Lazro étire le son comme une pâte incandescente en fusion, leurs pavillons déversant des coulées de notes, triturées, pétries, broyées, concassées, se rapprochent, se croisent, puis s’éloignent, comme les cornes de brume de péniches, fantômes invisibles perçant un épais brouillard dans la nuit, sur un fleuve sonore. Lazro et Corneloup, élèvent leur duo de saxophones baryton, du murmure jusqu’aux hurlements, vers des sommets de l’art de l’improvisation, offrant un intense moment d’émotion musicale.


Double B&J ( Boni, Foussat, Boni, McPhee )

Sous une faible lumière de projecteurs, dans une arène sombre, Moncho, habit de lumière noir, dans cette « quadrilla » des deux maestros de l’improvisation libertaire, Boni / McPhee, et ces deux « novilleros » cheminant vers une improbable « alternativa »*, délivrent une musique chaotique, d’où émergent la profondeur et l’ampleur du son de la guitare « duende »*, et la voix de gorge poignante, du saxophone.
Effleurements de doigts, fulgurances, rugissements étouffés de cordes, boucles d’échos réverbérés, saturations fracturées, saxophone alto ou ténor, crépitant, lacérant, éructant, déchirant, cornet, feulant, vrillant, vibrant, érigeant un univers sonore magnifique, sur un brouillage bruitiste sans « temple »*, d’une contrebasse électro-acoustique, parasités par l’appareillage électronique mystérieux d’un synthétiseur au « tableau de bord de 4 L », nous faisant regretter un « Mano à Mano » se suffisant à lui-même, avec ces deux « figuras»* légendaires de la musique libre, sortant de l’arène par « La Grande Porte », après deux « Indulto »*.

* « alternativa » : moment où un jeune torero devient matador * « duende » : état d’inspiration du torero, ou du chanteur de flamenco * « temple » : osmose entre le torero et le toro * « Mano a Mano » : corrida avec 2 toreros seulement * « Figuras » : torero majeur * « Indulto » : grâce accordée à un toro brave


Enrico Pieranunzi / Eric Le Lann

Fabuleux prince italien du piano, au jeu riche, nuancé, délicat, précis, virtuose sur les tempos vivace, ou subtil sur les ballades lento, Pieranunzi émerveille par son articulation, sa classe, son style personnel et brillant, moderato / cantabile, qui fait regretter que l’on n’ait pu l’écouter en solo.


Céline Bonacina “Crystal Quartet”

Frêle silhouette sautillant, dansant, harnachée d’un monstre de cuivre barrissant de graves puissants des profondeurs, se contorsionnant sur des tempos ” funk-jazz “, portée par la pulsation bondissante de son Crystal Quartet, Céline Bonacina déboule sur la scène de l’Epau, soufflant jusqu’à s’époumoner dans ses saxophones baryton et soprano, jouant une musique festive, avec une fraîcheur, un enthousiasme, une joie de vivre communicative, avec le plaisir frénétique de la folle jeunesse, de quatre excellents musiciens sans complexes.

Christian POUGET (textes et photos, sauf photo de Donarier-Boisseau par J.Paul GAMBIER)


 

INTERVIEW d’Armand MEIGNAN, Directeur du Festival,

par J.Paul GAMBIER

Bilan et perspectives d’Europa Jazz, de l’AJC, etc…

Interview intégrale de Armand MEIGNAN par J.Paul GAMBIER: bilan du Europa Jazz Festival 2015 by Jp Gambier / Clap’coop on Mixcloud

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