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Vincent Peirani ou la valse des étiquettes

En France, l’accordéon a pendant longtemps été intimement lié au style musette sur lequel dansèrent des  millions de français jusqu’à la fin du XXème siècle. Cette réduction de l’instrument à un genre musical vite jugé ringard avec l’avènement du rock marginalisa le piano à bretelles pendant des années, ne lui laissant que des seconds rôles, surtout dans la chanson française. Si son cousin le bandonéon l’éclaboussa d’une gloire retrouvée grâce à Astor Piazzolla, c’est sans doute Richard Galliano qui lui redonna ses lettres de noblesse en en renouvelant son langage et son environnement musical avant qu’un autre niçois d’origine pousse maintenant le curseur encore plus loin.

Depuis quelques années, Vincent Peirani a montré que sa formation classique n’était en rien un carcan et qu’il aime faire valser les étiquettes. Rien ne lui résiste et ses diverses expériences et autres rencontres sont à chaque fois couronnées de succès : la chanson (San Severino), le tango (avec le violoncelliste François Salque), la musique de film (Barbara de Mathieu Amalric) et bien sûr le jazz aux côtés de Michel Portal, de Daniel Humair ou de Youn Sun Nah pour ne citer que les plus connus. Mais ses multiples participations aux orchestres des autres où il semble pouvoir transformer tout ce qu’il touche en or ne l’empêchent pas de poursuivre ses propres projets. Ce fut d’abord Thrill Box, album en trio avec Michael Wollny et Michel Benita où les références au jazz étaient encore explicites (Monk, Brad Mehldau, Abbey Lincoln). Puis, après un duo avec Emile Parisien et un autre avec Michael Wolny, ce fut Living Being qui semblait être une déclaration d’intentions musicales élaborée avec quelques potes de sa génération, faisant dire à Peirani que « ce groupe est une affaire de famille ».

Trois ans plus tard, avec la parution de Living being II, sous-titré Night Walker, on voit que la famille se porte à merveille. Dès le premier morceau (Bang Bang de Sonny Bono créé en 1966 par la chanteuse Cher et repris la même année par Nancy Sinatra aux USA, Dalida en italien et Sheila en français), on sent tout le talent de Peirani qui sait tirer toute la quintessence d’une mélodie grâce à des arrangements subtils et à un son d’ensemble superbe (bravo au mixage de Boris Darley). Il en sera de même pour les autres reprises, qu’il s’agisse d’une pièce tirée de l’opéra King Arthur de Purcell ou de Kashmir To Heaven, mini-suite se référant à deux des plus célèbres morceaux de Led Zeppelin en en gardant l’énergie d’origine sans la moindre guitare électrique. Les autres morceaux, tous des originaux, sont de la même veine en faisant entendre une véritable musique de groupe où chaque musicien semble baigner dans un univers qui est le sien. Garder la même formation a sans doute été la vraie solution pour que s’expriment les vieilles complicités et les vraies affinités, Emile Parisien n’étant pas le dernier à le montrer avec son soprano venu du ciel. Jazz ou pas jazz, là n’est pas la question quand la musique est superbe et que notre plaisir est immense.

Philippe Vincent

Chronique également parue sur Le Blog Jazznicknames


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