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Forever Nini, Nicolle Raulin

Le 7 juillet dernier, au moment d’assister au duo Portal-Negro à Arles, Léopold Gest m’a annoncé la nouvelle: Nicolle RAULIN venait de nous quitter.
La première fois que j’ai rencontré Nicolle, c’était en avril 80, lors d’un festival “Jazz Open” au Cap d’Agde. J’avais à régler un sévère problème de contrat entre notre association (Jazzimuts, qui programmait du Jazz à Toulouse) et le Willem Breuker Kollektief alors représenté par Gérard Terronès. Alors qu’elle ne nous connaissait que de réputation, Nicolle est intervenue telle une bonne fée, et tout a été instantanément réglé. Cela a été le début d’une relation de plus de 35 ans, marquée par sa générosité et sa bienveillance.
C’était d’abord “les années Grenoble” où elle mettait tout le potentiel de la Maison de la Culture au service d’une programmation exigeante et audacieuse. Pionnière, elle associait et fédérait toutes les forces vives et les réseaux culturels locaux à la manifestation, au “Cargo” comme dans les musées ou les médiathèques des quartiers de la Villeneuve. Elle défrichait des “actions culturelles” qui n’en avaient pas encore le nom. Des chemins que tous ont suivis depuis.
C’est sur ces terrains que nous avons avons été si nombreux à nous rencontrer. Si certains l’ont oublié, nous lui sommes toutes et tous redevables des découvertes sensibles qu’elle nous a offertes, des compétences et des réseaux qu’elle a a contribué à faire éclore.
Figure du mundillito Jazz des années 80, nous la retrouvions, avec Corinne Léonet et tant d’autres, pour former une petite famille nomade. D’Angoulême à Grenoble, de Nîmes à St Rémy de Provence ou la Seyne-sur-mer.
Comme si elle avait le don d’ubiquité, elle était aussi aux côtés d’Henri Texier aux Rencontres “Jazz e Breizh” à La Roche-Jagu. Puis ses pas la conduisirent à devenir l’administratrice de la Compagnie Dominique Bagouet (socle de ce qui devait devenir le CCNM). L’occasion était, pour elle, trop belle de faire entrer le jazz à l’Opéra de Montpellier (qui hébergeait la Compagnie) et de renouer avec le champ d’une programmation que le JAM avait déserté. Plus tard, elle rejoint Nîmes, désormais sans Festival, où elle a relancé le Printemps du Jazz.
Grande professionnelle, elle essaimait sans compter mais savait aussi être cassante. Partout, elle restait fidèle aux artistes qu’elle avait largement contribué à faire découvrir en France, donnait aux Musiques Improvisées et de création des espaces inédits à défricher et offrait aux jeunes pousses d’alors, françaises ou internationales, l’occasion de se faire découvrir. Combien s’en souviennent aujourd’hui …
Même si elle lui a donné l’occasion de bâtir des réussites éblouissantes et de se reconstruite à chaque étape, la vie ne l’a vraiment pas épargnée. Comment, surtout, se remettre de la mort de ses deux enfants, Bertrand et Isabelle ? Comment, aussi, surmonter son départ prématuré de la Compagnie Bagouet puis du deuil de Dominique, qu’elle aimait presque comme un fils adoptif ? Quel crève-cœur, au milieu de tout cela, de voir son ami Willem disparaitre à son tour ?
Nicolle a fini par sombrer.
Parce que je l’ai accompagnée au fil de ces années, des concerts à organiser ou à médiatiser en Languedoc, pour tous les étages qu’elle m’a invité à monter pour ses innombrables déménagements à travers Montpellier et Nîmes, je peux aussi avouer ne pas avoir réussi à l’accompagner ces dernières années.
Nos derniers échanges, nous les devons à Martine et Léopold Gest, lors de concerts nîmois du “Jazz est là”, ou aux festivans en Arles ou Junas. Merci à eux, pour ces occasions et pour l’amour qu’ils lui ont témoigné.

Nicolle “avec deux ailes”, tu resteras “Nini”, une personne d’exception avec qui j’ai eu l’honneur de cheminer un peu et de partager beaucoup de passions musicales. MERCI NINI !

J.Paul Gambier


Ses amis, musiciens ou non, témoignent ici, pour un hommage rendu le 10 juillet 2021 à Nîmes.

Merci à Christian Ducasse, Jean-Marc Birraux et Guy Schoukroun pour leurs photos, par l'intermédiaire de Stéphane Kochoyan

La première fois que nous avons joué en duo avec Michel Portal, c’était en 81 a Grenoble, invités par Nicole dans le cadre du festival qu’elle avait créé on peu dire aussi inventé . Et puis, elle a changé de ville plusieurs fois, toujours dans le monde de la culture et chaque fois elle a su se démener pour inviter les musiciens. Nous avons souvent joué dans des endroits où nous ne serions jamais allé, grâce à son travail sa passion et son opiniâtreté. Elle a aimé le jazz la danse et les artistes, elle a su s’en faire des amis . Nicole, nous les musiciens qui t’avons côtoyé pendants de nombreuses années, te devons beaucoup, alors merci pour ton enthousiasme, ta gentillesse et pour avoir fait vivre nos musiques

Louis Sclavis

Musicien

Une femme d’une grande humanité, professionnelle au grand cœur, d’une grande générosité, loyale honnête et fidèle en amitié… Repose en paix Nicole, tu seras toujours dans le cœur de celles et ceux qui t’ont aimée…

Jean-Paul Celea

Musicien

Adieu ma Nicolle. Oh, tant de mercis pour tout ce que tu m’as offert et tant de rires aussi, car tu m’auras tant aidé à monter plusieurs rêves fous, en dépit même du « bon sens » dont tu pouvais si bien te moquer. Ton enthousiasme est gravé dans ces disques et tous ces concerts que tu auras tant contribué à rendre possible… Ta marque sur moi et mes travaux restera indélébile !
Repose en paix ma Nicolle ! Merci à tous – tellement triste de ne pouvoir être parmi vous

Benoît Delbecq

Musicien

Nicole Raulin a été mon agent pour les deux créations “Sardanajazz” avec la Cobla Milénaria et Gavachs, Grand Orchestre  avec les Musiciens du Rajasthan. Bien-sûr des souvenirs de tournées en Allemagne, en Italie, en Catalogne me reviennent, je la revoie toujours disponible et joyeuse, grande professionnelle vibrant avec toutes les déclinaisons de la Musique de Jazz. Depuis tes années Grenobloises jusqu’à ta présence dans le sud, je te salue Nicole Raulin, les Musiciens et les Musiques de jazz de ce pays te doivent beaucoup.

Michel Marre

Musicien

Je porte le même nom qu’elle (ce qui était toujours l’occasion de plaisanter avec elle), et j’ai été de toutes les éditions du festival de jazz de Grenoble malheureusement définitivement arrêté depuis 11 ans. Je me souviens avoir collé des affiches dans les années 70 et suivi les concerts avec enthousiasme. j’y ai vu des concerts inoubliables à un moment où c’était formateur pour le jeune musicien que j’étais. Elle programmait des super orchestres qu’on ne voyait pas beaucoup ailleurs, mais aussi des grands noms qu’on pouvait aller écouter à domicile. Elle faisait une programmation éclectique et exigeante différente de ce qui existait déjà ( Antibes , jazz à Juan etc …), elle était précurseur et passionnée

François Raulin

Musicien

Triste journée. j’ai appris aujourd’hui la disparition récente de Nicole Martin Raulin ainsi que celle plus ancienne de Guy Shouckroun, photographe du monde du jazz et du blues. Je me rappelle la rencontre dans la fin des années 70 de ces personnalités fortes et attachantes. Je dois beaucoup à Nicole qui m’a aidé à mes débuts de jeune photographe. C’était une époque où la directrice d’un grand festival de jazz allait chercher à la gare les musiciens de l’Art Ensemble avec sa 2 CV. Ici une photo de Nicole aux ateliers de sax à Saint-Rémy en 1979.

Jean-Marc Birraux

Photographe

Hier à Arles à l’occasion d’un très beau concert du duo Portal Negro, le ciel s’est en même temps obscurcit avec l’annonce d’une mauvaise nouvelle, Nicolle Martin Raulin s’en est allée, ailleurs, je ne sais où, ni pour retrouver qui, une absence définitive… Nicolle pour beaucoup c’était Nini, autant de temps partagé ici ou là, Angoulême quand je n’étais encore qu’une gamine débutant dans ce métier, Grenoble, Nîmes, Montpellier, La Roche Jagu, la Seyne sur mer.. , autant de moments et de concerts qui ont semé des jolis cailloux musicaux et toujours cette audace, ce partage, cette amitié sans faille.. On lui doit beaucoup… dans le jazz et dans la fidélité intacte . Rip ma Nini.. je t’aimais..

Marion Piras

Inclinaisons

Nous avons partagé tant de grands moments de Jazz de 1972 a 1983 a Grenoble avec les 4, puis 5 jours de Jazz avant que le festival ne devienne “jazz/musiques”. Puis, ce fut chaque fois d’être reçu magnifiquement à Nîmes ou me restent tant de merveilleux souvenirs. Ce fut ensuite pour elle les longues années au long desquelles elle se dépensa sans compter pour défendre “ses” musiciens amis. Certains lui doivent beaucoup et c’était toujours un plaisir de travailler avec elle. Avec un mélange de rigueur et de bonne humeur, elle savait toujours trouver la bonne solution lorsque surgissait un problème.

Jacques Panisset

Détours de Babels

Très touchée par cette nouvelle… on s’était perdues de vue et je suis souvent demandée comment elle allait. J’aimais bien Nicole, pour ses immenses compétences mais, avant tout, juste pour sa façon d’être. Son humour, sa chaleur humaine, son côté décalé, je l’aimais aussi parce que, face aux difficultés diverses, professionnelles et personnelles, elle tenait vent debout, avec sa voix qu’on n’oublie pas, son sourire, et son incroyable ténacité. Elle tenait quand on la sabrait, qu’on la critiquait, ou qu’on la raillait. Je ne l’oublierai pas, j’espère que tout ceux qui lui doivent, en feront autant

Anne-Marie Parein

Les Allumés du Jazz

Un grand merci pour ton engagement pour le jazz et notamment dans le Gard. Un grand merci pour ton soutien auprès des artistes et des organisateurs. Je venais à Nîmes. Tu venais à Junas. On discutait avec passion de cette musique qui coule dans nos veines. Nul doute que là où tu es tu feras résonner des accords et que tu as retrouvé plein de copains et de copines. Plein de pensées pour toi.

Fabrice Manuel

Jazz à Junas

une femme merveilleuse ! Et une précurseuse dans les festivals de jazz. Ses 5 jours à Grenoble sont des souvenirs inoubliables de découvertes et de goût exquis

Martin Meisonnier

Journaliste

Nicolle, Nous nous sommes rencontrés au festival de jazz de Chateauvallon à la fin des années 70’. On a sympathisé et je t’ai invitée au Festival que j’organisais alors à St Rémy de Provence.
Tu es venue chaque année et jusqu’à la fin en 1983, nous faisant profiter de ton expérience.
Depuis nous nous sommes jamais perdu de vue, du festival de Grenoble à celui de Nîmes jusqu’à ta participation à la compagnie Bagouet à Montpellier.
A travers tous ces concerts tu nous as amené les plus grands, les plus célèbres mais aussi les plus jeunes et des inconnus que nous avons découvert grâce à toi.
Après ta retraite tu as eu beaucoup de malheurs, ta santé s’est dégradée, et tu es partie en EHPAD.
Nous allions te rendre visite régulièrement mais pas assez, la vie passe trop vite, et  avec Martine nous le regrettons beaucoup. Tu resteras toujours dans nos pensées.

Léopold Gest

Designer


Nicolle à travers “Le Monde”

Les Cinq Jours de Grenoble / Le Monde 28/02/1981

Par FRANCIS MARMANDE. Publié le 28 février 1981
Les Cinq Jours de Grenoble
Donc, les neuvièmes Cinq Jours de jazz à Grenoble sont finis. Bien finis et pour toujours peut-être : c’est en tout cas ce qui se raconte. Ils auront duré, sous cette forme du moins, de 1973 à 1981 : le temps des rêves ?
Eh bien, pour cette dernière édition, Nicolle Raulin, la maîtresse d’œuvre, n’a pas raté son coup. Concerts midi et soir, comme d’habitude, très fréquentés, films, ateliers, expositions, récitation, animation, bon équilibre entre Europe et Amérique, panorama complet des tendances contemporaines, moments originaux aussi (duo Portal-Sclavis, solo James Newton ou le groupe de John Carter), rien ne manquait à la fête. Ni l’abondance, ni la constance dans la qualité.
Vendredi 20, Didier Levallet a ainsi pu trouver la possibilité de reconstituer son Swing strings System, ce qui n’arrive pas tous les matins : sept instruments à cordes, violons, violoncelles et guitare pour une rythmique animée par Levallet (contrebasse) et Bernard Lubat, ce n’est pas, on l’avouera, une formule passe-partout.
Pierre Blanchard, Dominique Pifarély (violons) er Jean-Charles Capon (violoncelle) savent à chaque fois briser les risques du système. Et il n’est que d’entendre le phrasé et les attaques de Capon pour saisir en un clin d’oreille le projet de cet ensemble à cordes. Une écriture méticuleuse, mais assez lisible pour plaire sans détours, prétend, autour des sections ou des individualités comme Siegfried Kessler, lancer et balancer toutes les musiques du jazz.
Il y a du Mingus là-dessous, sous ce système de ” swing “, il y a de tout et de rien, il y a Levallet surtout qui va chercher on ne sait où l’énergie d’inventer ces formules impossibles.
Et cela ne peut se produire qu’en des lieux comme Angoulême ou Grenoble. Cela ne peut, ou ne pouvait ? Ici se seront succédé cette année une tribu de saxophonistes (le Quatuor de saxophones, Steve Lacy, Steve Potts, Jaume, Daunik Lazro, Doudou Gouirand), des groupes célébrés (Barre Phillips, Enrico Rava, Couturier-Celea-Humair et Mike Westbrook), des nouveautés (Nous Trois : renforcés ! ou le duo Léandre-Nozati) et des légendes assurées (Elvin Jones sextet). Ici, depuis neuf ans, cinq jours par an, on a passé quarante-cinq jours à faire l’inventaire patient des folies douces d’aujourd’hui. En résumé, on dirait d’un programme lourd de promesses et d’avenir. Il paraît pourtant que c’est un bilan. On n’y croit pas encore.

Le Printemps du jazz de Nîmes / Le Monde 08/04/1997

Par SYLVAIN SICLIER Publié le 08 avril 1997
Le Printemps du jazz de Nîmes, festival attentif aux novateurs
Fondé en 1993 sur les vestiges du Festival de Nîmes, le Printemps du jazz convoquait jusqu’alors quelques musiciens, connus et nouveaux venus, pour une poignée de concerts. Cette cinquième édition affirme sa dimension de festival en investissant la ville. Un mot d’ordre : privilégier la création.
Dans les années 70, le circuit des festivals d’été se résumait à quelques noms de ville et à des identités assez claires. Châteauvallon en panorama des avant-gardes ; Antibes – Juan-les-Pins pour célébrer les stars ; Uzeste, le village en liberté de Bernard Lubat ; Nice avec sa Grande Parade , à qui tout était pardonné tant son aspect festif l’avait rendu particulier ; Nîmes, enfin, fondé en 1976, à l’initiative de Guy Labory, ouvert à tous les styles sans que l’impression de patchwork se fasse sentir. On savait où l’on allait et pourquoi. Et puis, chaque municipalité voulant son festival, la concurrence des années 80 laissa Nîmes sur le côté, en 1988.
La création du Printemps du jazz, en 1993, pouvait s’appuyer sur ce passé. La période rend plus attentif à la découverte que l’été, devenu une gigantesque tournée support de la promotion touristique. De quelques concerts et rencontres entre musiciens réputés et nouveaux venus, le Printemps du jazz est passé, cette année, à l’affirmation d’un festival : un lieu où sont montrées les questions artistiques du moment, où même ceux qui ont fait l’histoire continuent de jouer en pensant à demain. La conseillère artistique est Nicolle Raulin, ancienne de Jazz à Grenoble (festival de printemps) ; le directeur du Théâtre de Nîmes, Jean Lebeau, arrivé il y a un an et demi, inscrit le festival dans un mouvement global d’attention à la création. On sent des volontés dans ce Printemps du jazz « nouvelle manière ».
L’une d’elles est de s’interroger sur le lieu, le moment et la nature du concert. Uzeste musical a montré la voie, l’Europa du Mans, Jazz à Mulhouse ont intimement lié ces éléments. Le Printemps du jazz s’en approche. Pour le moment de manière encore empirique, sans avoir exploré toutes les possibilités de la ville, mais avec un certain bonheur. En particulier lors des concerts-promenades de 18 h 30 à l’intérieur du Carré d’art, splendide bâtiment de verre et d’acier blanc créé par Norman Foster

Le jazz : masculin-féminin / Le Monde 08/04/1997

Par FRANCIS MARMANDE Publié le 08 avril 1997
NICOLLE RAULIN est une femme du jazz. On trouve les femmes du jazz aux postes stratégiques : direction artistique, animation de clubs, agence artistique, etc. Dans la population des acteurs (compositeurs, musiciens, interprètes), elles sont nettement moins nombreuses. Air connu… Les exceptions, comme d’habitude, font la règle : Lil Hardin (pianiste du premier Hot Five d’Armstrong), Mary Lou Williams, Maxime Sullivan, Melba Liston (trombone, composition), sont rejointes aujourd’hui par Geri Allen (pianiste), Terry Line Carrington (percussionniste), Cindy Blackman, Maria Schneider ou Barbara Donald (trompette).
La configuration apparente est la suivante : le milieu du jazz est structuré sur un principe assez voyant d’hétérosexualité latente (version niaise : c’est un milieu « macho »). Cette hétérosexualité latente est du genre théâtralisé (très). Les mères enseignent les fondamentaux (en gros : la sexualité et les gospel songs). Les types quittent la famille et l’église pour rejoindre la communauté des musiciens. La société se venge en caquetant que le jazz est « une grande famille », etc. Alors qu’il en est le contraire.
Dernier cercle : les types jouent pour les filles (image canonique : Chet Baker par William Claxton). Quant aux demi-niais, ils s’essoufflent en courant derrière les explications. Ils tiennent à prouver d’un coup leur science et leur bonne conscience. Ils savent que c’est un pari fichu. Ils s’épuisent à rappeler qu’il y a de grandes chanteuses, de grandes pianistes, et que le jazz doit « s’ouvrir ». Air très connu. Une batteuse vient de se faire connaître. Suzy Wang. On voit que, en français, les ennuis commencent dans la langue. Suzy Wang est percussionniste. Suzy Wang, Philippine, capte par son geste, qui n’est pas celui d’un batteur mâle (question de code) mais pas moins « féminin » (irruption du stéréotype) que celui de son professeur, Milford Graves (homme). Systématiquement, on pourrait se demander quand, au juste, ces dix dernières années, et pourquoi, le féminin s’en est allé du geste des bassistes. Féminin si sensible chez Jean-François Jenny-Clark, Miroslav Vitous, Barre Phillips ou Jean-Paul Céléa.

Printemps du jazz de Nîmes / Le Monde 27/03/1999

Par SYLVAIN SICLIER Publié le 27 mars 1999
Pour Les Diaboliques, mercredi 24 mars, impossible d’entrer avant mi-parcours dans la salle des conférences du Carré d’art de Nîmes, déjà bondée avant 12 h 30. Ces Diaboliques qui émerveillent les enfants dans le public sont la pianiste Irène Schweizer, la contrebassiste Joëlle Léandre et la chanteuse Maggie Nichols. Trois femmes farouches, libres dans leurs choix esthétiques. Elles triomphent en puisant dans la musique contemporaine, la chanson, le blues, la matière vivante de leurs improvisations. Le Printemps du jazz, organisé depuis trois ans par l’équipe du Théâtre de Nîmes dirigé par Jean Lebeau, a trouvé le rythme voulu par sa conseillère artistique Nicole Martin Raulin – qui accompagne l’évolution des festivals de jazz depuis vingt-cinq ans. Concerts dans des lieux inhabituels et goût pour des formes déroutantes semblent une priorité, sans que soit refusé le rappel d’un jazz classique.
En fin de journée, à l’Espace Gard – bel accrochage de photographies des Nîmois Christian Philip et Vincent Bisbal -, on retrouve Barre Phillips. Le contrebassiste californien s’est installé en France dans les années 70. Il vit dans un village du Var. Il joue partout, au Japon, en Finlande, à New York récemment. La France le reçoit rarement. « Je n’ai pas de produit à proposer, dit-il. Ici, il faut souvent avoir une nouvelle création, un nouveau groupe. Ce n’est pas mon fonctionnement. » A Nîmes, Barre Phillips est venu à la demande du violoniste Christian Zagaria et du pianiste Alex Clapot, membres d’un trio avec le percussionniste Gilles Dalbis. Son expérience, son écoute rare amènent le trio à sortir de ses pistes. Phillips n’est pas là en « vedette américaine » mais en musicien, par goût de la rencontre, d’un défi sans d’autres enjeux que de faire venir une musique instantanée, qui se découvre.
En soirée, BassDrumBone ouvre le double concert à l’Odéon. Le groupe du contrebassiste Mark Helias, du batteur Gerry Hemingway et du tromboniste Ray Anderson joue lui avec les références : funk de La Nouvelle-Orléans et clins d’oeil à l’histoire servent de base au jeu à trois, en partie improvisé. Chacun est un maître de son instrument, tous possèdent ce mystère qu’est le swing.

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