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Oppède, le festival de toutes les sensibilités

Débuté en fanfare le 30 juin avec, précisément, la fanfare Haut les Mains et clôturée en douceur le 2 juillet avec le trio de Maxime Atger, Pierre-François Maurin et Sébastien Lalisse, la deuxième édition de Jazz à Oppède (Luberon) a tenu toutes ses promesses. Mieux : a révélé des sensibilités que l’on n’est pas prêts d’oublier.

1 juillet

Dans une petite clairière, à deux pas du village féodal d’Oppède Le Vieux, un souffle s’éveille. C’est celui de François Corneloup. Un souffle si souvent entendu, si souvent retrouvé. Ce n’est pas un souffle qui cherche à convaincre ou conquérir. C’est un souffle qui n’aime pas rétrograder pas plus qu’accélérer sans raison. C’est un souffle-fil, heureux de densifier-défier la phrase, la répéter, l’embellir.  Phrasés longs et riffs soudains font bon ménage. Aux dernières nouvelles, le baryton de François aurait rencontré dame Naïma, celle de Coltrane. Naïma dans une clairière du Luberon : décidément, tout est possible.

Tout est à nouveau possible avec Anne Alvaro et François Corneloup. Comme de rendre évident une comédienne (et pas n’importe laquelle : Bérénice, la ville des pirates du regretté Raoul Ruiz) et un baryton se renvoyant la balle autour des mots d’Italo Calvino ou Samuel Beckett. Mais plutôt qu’un ping-pong, ce sont des contrepoints complices que nous découvrons  inaugurant, de fait, une west coast autant littéraire qu’improvisée, la comédienne se permettant de sortir des grilles courantes de la lecture pour rejoindre le jeu ludique et inspiré de son partenaire.

Premier rendez-vous pour Christiane Bopp (trombone), Bernard Santacruz (contrebasse) et Bruno Tocanne (batterie) et l’évidence que ces trois-là devaient se rencontrer. Parce qu’ils partagent la même sensibilité, le même désir de savourer l’instant avec simplicité. L’improvisation est chose naturelle, souvent elle se perd dans la brutalité, les violences inutiles. Eux savent l’accueillir, lui laisser le temps de faire –et sans la moindre seconde d’ennui- son chemin. Le jeu tout paulmotianesque de Bruno Tocanne, sa subtilité, son audace, sa manière de suspendre un tempo jamais explicite ; l’implication de Bernard Santcruz, sa manière de veiller à chaque nouvelle vibration, sa rondeur, sa densité ; les techniques étendues de Christiane Bopp, ses percées, ses notes intimes, sa complicité avec le silence disent la nature même de l’improvisation (le naturel, le spontané), son pourquoi (le plaisir, la joie) et son devenir (l’espoir).

2 juillet

Dans un cadre agréablement floral et fleuri nous retrouvons le guitariste Philippe Deschepper. Deux dames l’accompagnent : Neelie et Ruby, précieuses muses de l’ami Thelonious. A regarder courir les doigts du guitariste sur le manche de son instrument, on se dit que les thèmes de Monk étaient faits pour la guitare. Mais, qu’on ne s’y trompe pas, c’est Deschepper qui rend l’exercice si facile, si évident. La clarté est au centre de ce solo. Quelle que soit l’esthétique choisie, le guitariste captive par sa déconcertante simplicité. Au sortir du concert, certains semblaient redécouvrir le musicien-compositeur-improvisateur, d’autres le découvraient pour la première fois et d’autres (c’est mon cas) râlaient de ne pas l’entendre plus souvent. Grand moment.


Les « murmures » de la pianiste Perrine Mansuy n’en sont pas. Ou alors, ils se partagent tant ils se connectent avec nos vies, nos sensations, nos sensibilités. Chaque pièce est une histoire qui se raconte où plutôt se devine. Et ainsi gambadent nos imaginaires, nos tendresses enfouies tandis que le soir tombe sur les collines du Luberon, ces mêmes collines qu’avaient magnifiées depuis Ménerbes, tout proche, le grand Nicolas de Staël. A Staël il manquait Perrine, quant à nous –veinards- nous avions un crépuscule with Perrine. Et c’était magnifique.

Reste à dire la magnifique implication de toute l’équipe de Jazz à Oppède (sonorisation au top !) et de sa directrice Anne-Marie Parein. Un festival à visage humain vient d’émerger. On l’avait déjà ressenti l’an dernier, cela se confirme aujourd’hui. A l’an que ven comme disent les joyeux autochtones.

Luc Bouquet, texte
Samuel Silvant, photos

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