Au fil des années, Sinne Eeg s’est affirmée comme l’une des meilleures chanteuses de jazz du continent européen et elle le montre une fois de plus avec son nouvel album. C’est encore en duo qu’elle a choisi de se présenter devant le micro, exercice périlleux où la moindre erreur se paie cash car non dissimulable derrière une pirouette de l’orchestre. Mais ce genre de performance n’effraie pas la belle sirène de Copenhague comme elle l’a déjà montré à deux reprises en compagnie du formidable contrebassiste Thomas Fonnesbaek. C’est ici avec Jacob Christoffersen, son pianiste depuis presque vingt ans, qu’elle affiche une belle complicité musicale dans « Shikiori », nom d’une vieille demeure traditionnelle japonaise devenue studio pour un jour. L’intimité du lieu a sans doute favorisé l’authenticité du dialogue entre les deux musiciens qui ont pu donner libre-cours à leur imagination fertile. Une fois de plus, leur grande maîtrise technique est au service d’une musicalité qui est toujours là pour séduire notre oreille sur un répertoire judicieusement choisi. Sinne Eeg réinvente ainsi Lush Life et But Not For Me en faisant revivre à sa manière ces standards vieux comme le jazz et fait subir le même traitement à Don’t Be So Blue, un titre à elle, comme si elle voulait montrer que le propre du jazz est de recréer à chaque fois un nouveau morceau, quel que soit la pièce d’originel. De toutes façons, ses grandes qualités vocales alliées à une incroyable aisance rendent toutes ses interprétations pleines de conviction. Un des grands disques vocaux de l’année.

[PhV]