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Voyage musical dans l’Invisible.

Label: Les couleurs du son / France/ Sortie le 1 mars 2019.

Musiciens:
Naïssam Jajal : compositions, flûte, nay – Leonardo Montana : piano – Claude Tchamitchian : contrebasse – Hamid Drake : batterie, percussions, daf.

L’invisibilité est l’état d’un objet ou d’un être vivant qui ne peut être vu, c’est donc une notion essentiellement visuelle.

La littérature et le cinéma fantastiques et de science-fiction l’utilisent beaucoup; grâce à de la magie ou de la technologie, le visible devient invisible.

Devenir non visible n’intéresse pas uniquement la création artistique. En 2019, Hyperstealth Biotechnology Corp, une entreprise canadienne, a déposé quatre brevets pour un matériau ressemblant à un paravent de plexiglas, destiné pour l’instant principalement aux militaires. Il peux rendre une personne invisible à l’œil nu et indétectable par les différents spectres lumineux, comme les lunettes infra rouges des forces spéciales.

La démarche de la musicienne Naïssam Jalal est inverse, rendre perceptible l’invisible : “Avec ces compositions, j’ai voulu aller plus loin dans la connexion à l’Invisible.”

Mais peut-être les deux recherches ne sont-elles pas si éloignées ? Selon le philosophe Guillaume Leblanc dans son livre -L’invisibilité sociale- ” le visible doit être décrit comme invisible, c’est-à-dire comme ce qui se dérobe au sein même de la présence. C’est pourquoi le visible est constamment relancé par l’invisible, qui est son fond indifférencié. Du visible à l’invisible, il n’y a donc pas contradiction mais passage à la limite “.

La musique est peut-être une voie intéressante pour aborder cette quête de l’invisible. La flûtiste souligne “La musique est le seul art invisible par nature. Elle entretient une relation particulière avec le temps : comme la vie, la musique est éternellement éphémère, constamment passée ou à venir ».

Commencer cette recherche par le premier morceau “Al Lei” (la nuit en arabe) semble une évidence, mais c’est omettre que c’est le nom des transes gnawas du Maroc qui se déroulent également la nuit. La notion de transe est présente dans l’ensemble de l’album “la musique a été un moyen privilégié pour rendre hommage au divin, pour communiquer avec l’Invisible, ou accéder à la transe et l’extase mystique.”

Dans ce premier morceau l’égrenage de notes de Leonardo Montana rejoint par Naissam Jalal et Claude Tchamitchian, instaurent l’ambiance planante, calme et mystérieuse, indispensable  au recueillement pour se connecter à l’invisible.  

L’écoute de Quest of the Invisible emmène l’auditeur à une sérénité, si à en croire l’écrivain Victor Hugo “Dieu est l’invisible évident”, cette sérénité pourrait-elle être qualifiée de divine ?

“Dans le monde arabe notamment, il existe de nombreuses traditions de musiques mystiques, de transe ou de méditation, qui tendent vers la communion avec Dieu dans l’oubli de soi. Il existe dans d’autres régions du monde de nombreuses traditions liées à d’autres croyances qui suivent des schémas similaires pour atteindre un but identique, toucher l’invisible. Je n’appartiens pour ma part à aucune de ces traditions. Pourtant ma musique peut me mener, et mener l’auditeur, à une forme de transe dans l’oubli de soi.”

Le résultat est atteint par l’écoute de cet album, le calme et la sérénité de l’auditeur permet de confirmer ce que l’écrivain romantique Novalis (1772-1801) a écrit :

Nous sommes liés de plus près à l’invisible qu’au visible.

Texte: Jean-Constantin Colletto
Photos: Jean-Yves. Molinari

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