Retour sur le seconde semaine de Parfum de Jazz en Drôme Provençale du 13 au 20 août 2023
J’ai eu le bonheur d’être invitée par les photographes attitrés que sont André Henrot et Patrick Martineau, à exposer à Parfum de Jazz cette année. Une femme photographe exposant des artistes de jazz femmes, c’était une première pour cette 24° édition, mes deux collègues exposant toujours les femmes ayant joué l’an passé. Le Cloître des Dominicains est un lieu magnifique à Buis-les-Baronnies pour mettre en valeur les artistes photographiées en noir et blanc et j’y ai reçu un accueil formidable. J’en ai profité bien sûr pour assister aux sept soirées qui avaient lieu soit à Buis soit dans les villages environnants. La première semaine, quant à elle, s’était tenue comme d’habitude de l’autre côté du Rhône à partir du 8 août. La programmation est exigeante, privilégiant les musiciennes et imaginée par Alain Brunet son président directeur artistique et Daniel Baillon. Il y avait cette année deux concerts chaque soir pour la première fois et ce fut un bouquet odorant qui nous fût offert dans un cadre toujours splendide et même frais après ces journées torrides.
Après l’installation de l’exposition, jolie fin d’après-midi dimanche 13 août à Saint-Ferréol-Trente-Pas où l’on y arrive par une magnifique petite route. Le public était venu nombreux à ce concert gratuit donné en faveur de la mucoviscidose, qui a pu se tenir après plusieurs étés où les concerts n’avaient pu avoir lieu en raison soit du Covid, soit de la météo. Ce soir, c’est le Glück Quartet avec à sa tête la saxophoniste d’origine allemande Gaby Schenke, le guitariste Yanni Balmelle, le batteur d’origine anglaise Andy Barron et le contrebassiste Malcolm Potter remplaçant Hélène Avice . Tous quatre viennent de la région Rhône-Alpes et ont joué un répertoire tonique, reprenant de nombreux standards qui ont beaucoup plu dans une ambiance festive et bon enfant. Alain Brunet également trompettiste s’est joint à eux avec son bugle à la fin du concert. Ils mériteraient tous quatre d’être plus connus et j’ai eu plaisir à les écouter.
Lundi 14 août, la première partie de la soirée est assurée à Mollans-sur-Ouvèze par le Grazzia Giu Duo. Joli dialogue entre cette chanteuse grenobloise et son pianiste Nico Morelli dans un registre de reprises (David Bowie, Sting, Lou Reed, Michel Legrand) et de compositions mélancoliques à l’univers très personnel et au timbre de voix très particulier. A noter que son dernier disque “Fragments” a été supervisé par Daniel Yvinec.
En seconde partie, voilà “LE JAZZ ET SES DIVAS” sur une idée de Jazz Magazine qui avait consacré sa une sur les nouvelles divas du jazz l’an passé. Quatre chanteuses dans quatre univers différents et quatre registres de voix, accompagnées hormis Sarah Lenka par le superbe trio du pianiste Mark Priore avec le batteur Elie Martin-Charrière et le contrebassiste Juan Villarroel. Elles apparaitront une par une, d’abord Pamina Beroff, puis Estelle Perrault, Sarah Lenka avec son guitariste Taofik Farah et enfin Cecil L Recchia. Elles ont toutes sorties récemment des disques fort bien reçus par la critique, les deux dernières n’en étant pas à leur coup d’essai. Un joli timbre de voix flûté presque ingénu pour Pamina Beroff, une maturité incroyable pour Estelle Perrault à l’allure adolescente, chanteuse sur laquelle il va falloir compter, maîtrisant parfaitement l’anglais. Sarah Lenka quant à elle, avec sa voix éraillée à la Moriarty et sa fougue militante sur le droit des femmes est plus dans le registre folk. Elle était déjà venue au festival en 2016. Déboule enfin Cecil L Recchia également présente en 2019 à la voix séduisante très assurée. Toutes quatre chanteront ensuite ensemble sur deux standards malgré l’heure tardive et le froid surprenant dans le Théâtre de Verdure. On peut regretter ces quatre sets un peu courts et le peu de place consacrée à l’interaction entre ces chanteuses qui aurait été intéressant. En tout cas, belles découvertes en ce qui me concerne me donnant l’envie de plonger dans l’univers de chacune.
Chaque matinée, soit au cloître, soit en ville, le DIDGERIDOO JAZZ PROJECT du trompettiste et président actuel du festival Alain Brunet a joué gratuitement avec Pascal Bouterin à la batterie, percussions et hang, Sylvestre Soleil au didgeridoo et Jean-Jacques Taïb au saxophone soprano et clarinette basse. Projet en quartet jouant pour la première fois au festival auquel se joindront divers invités dont Leila Olivesi au clavier le 16 août. Très surprenant et parfois déroutant d’entendre le son obsédant du didgeridoo envahir le cloître ! Compositions d’Alain Brunet et reprises (Joe Zawinul en particulier) ont convaincu le public venu chaque fois nombreux écouter ce quartet pour le moins original !
Mardi 15 août, c’est à Mollans-sur-Ouvèze que l’on se déplace pour la première partie de soirée avec le duo de la pianiste Leïla Olivesi et de la chanteuse Ellinoa. Deux artistes surdouées qui ont mélangé leurs univers avec classe et brio. Toutes deux cheffes d’orchestre de surcroît avec pour la pianiste deux derniers disques avec des musiciens réputés qui ont marqué les esprits (“Suite Andamane” en 2019 qui a eu le « Coup de cœur » de l’Académie Charles-Cros ainsi que “Astral” en 2022 ayant reçu le Prix Django-Reinhardt en 2023). Quant à Ellinoa, pseudonyme né lors de son adolescence et tiré de son prénom Camille (Durand), ayant intégré l’ONJ en 2019, elle mène le Wanderlust Orchestra et vient de sortir l’album “The Ballad of Ophelia“, jamais avare d’expérimentations diverses. C’est un duo tout frais, pas encore enregistré où la connivence est palpable. Le jeu ellingtonien tout en délicatesse de la pianiste et qu’elle revendique, a fait merveille avec la chanteuse dont l’agilité vocale est déconcertante. Des compositions de chacune alternent avec une version d’Ophelia très remarquée et un rappel sur une composition d’Ellinoa, L’Enfance s’efface. Un moment suffisamment fort pour rester gravé dans les esprits.
En seconde partie le quartet du saxophoniste danois Jan Harbeck a fait un malheur. Repéré par Alain Brunet et Daniel Baillon, le festival a fait une entorse à son principe de n’inviter que des artistes femmes (entourées ou non d’hommes) et on ne saurait le leur reprocher tellement ce fut un concert de haut vol et une magnifique découverte pour beaucoup. Je ne cesse depuis, de me passer leurs disques en boucle ! Un quartet purement acoustique ce soir dirigé depuis 2007 par ce saxophoniste jouant sur un saxophone ténor Selmer Balanced Action de 1939 ayant appartenu à Stan Getz (d’où le nom du dernier disque “Balanced” paru chez Stunt en novembre 2022). Avec lui, on retrouve le pianiste Henrik Gunde qui brille tant par ses qualités de soliste que d’accompagnateur, à l’allure de père Noel immense et débonnaire, Jeppe Skovbakke à la contrebasse, et Anders Holm à la batterie jouant souvent aux balais pour laisser la place au saxophone en dehors de quelques chorus. Une présence sur scène insensée, habitée, très sexy pour Jan Harbeck qui ne cesse de se déhancher et dont l’écriture est inspirée à la fois par Ben Webster et Dexter Gordon mais surtout Paul Gonsalves. Le son qu’il fait sortir de son ténor est envoûtant, chaud et sensuel. Leur plaisir à jouer ensemble contamine le public qui en redemande à la fin avec un rappel sur Salvation dédicacé à Paul Gonsalves. Quand on sait que ce sera leur seul concert en France alors qu’ils se produisent tout azimut en Europe de Nord, c’est vraiment dommage. Amis fans de jazz, découvrez-les vite, c’était vraiment unique et sûrement le meilleur concert de mon été !
Mercredi 16 août c’est au théâtre de verdure La Palun de Buis-les Baronnies que le public est invité à écouter en première partie la belle prestation solo de la pianiste Delphine Deau que j’avais déjà eu l’occasion d’entendre à l’Ajmi d’Avignon en janvier 2022 dans le même registre “Prepare for Downland” dont elle explique la genèse au début du concert. Leader et compositrice du quartet Nefertiti, ses quatre pièces pour la plupart sur piano préparé rapidement et discrètement sont inspirées de compositions pour luth et voix de la Renaissance du joueur de luth anglais John Dowland (1563-1626) qu’elle a arrangées pendant le confinement. Son jeu élégant et gracieux allié à une intense concentration ont plu au public d’abord un peu perplexe devant le piano préparé auquel il est peu habitué. Cette technique ne date pourtant pas d’hier puisque, comme le dit Delphine, John Cage en était un grand adepte. Véritable tête chercheuse penchée dans le ventre du piano puis revenant au clavier, la pianiste en fait sortir toutes sortes de sons du plus doux au plus métallique, avec au final une construction parfaitement maîtrisée. Du grand art soutenu par JAZZ IN Clap’Coop!
Puis voilà le quintet de la chanteuse Manu Le Prince en seconde partie de soirée. Une femme de caractère entourée de quatre excellents musiciens : Felipe Cabrera à la contrebasse, Lukmil Perez à la batterie, Irving Acao aux saxophones, tous trois cubains et un Nantais au piano Julien Lallier, remplaçant Léo Montana. Je n’avais jamais encore assisté à un concert de Manu comme tout le monde l’appelle ici. Le grand écart avec le concert précédent, conjugué à la fatigue de mes précédentes soirées, m’a fait abandonner la soirée rapidement. Mais je me suis laissé dire que celle-ci avait été chaude, où le Brésil s’est évidemment invité avec de beaux hommages également à Wayne Shorter.
Jeudi 17 août toujours au Théâtre de verdure de Buis les Baronnies, nous écouterons le DUO FALL en première partie. Avec Lea Castro (chanteuse également dans le groupe Bloom venu il y a 4 ans au festival et entendu en 2021 à Jazz à Saint Rémy) et l’excellente pianiste Sandrine Marchetti, l’automne s’est invité prématurément pour écouter une conversation intimiste très séduisante au coin du feu. La pianiste, compositrice menant ses propres projets et collaboratrice de beaucoup d’autres (avec Loïs Le Van ou Sylvain Rifflet en particulier) pose ses notes délicates sur la voix chaude de Lea Castro et ses interprétations nostalgiques de Verlaine, Prévert (Les Feuilles Mortes), Emily Brontë, Gainsbourg, Brassens, Ferré (Automne) ou Joni Mitchell avec un rappel sur Septembre de Barbara. Ce fut un concert cocon nous parlant des amours perdues ou de celles à venir, où chacun a été conquis par tant d’élégance.
Le quintet de la contrebassiste Sélène Saint-Aimé est ensuite attendu de pied ferme au Festival Parfum de Jazz en seconde partie de la soirée du jeudi 17 août. Je l’avais entendue en trio avec le cubain Irving Acao au saxophone et Boris Reine-Adélaide au tambour bèlè caribéen pour ce projet en janvier de l’an passé au Moulin à Jazz de Vitrolles. Celui-ci s’est enrichi cette fois du trompettiste Hermon Mehari à la trompette et du batteur Arnaud Dolmen. Révélation de l’année 2021 aux Victoires du jazz, elle a sorti deux disques “Mare Undarum”en 2020 et “Potomitan” en 2022 sur le label Komos dont elle nous livre ce soir quelques morceaux accompagnés de sa voix délicieuse au chant. Pas de lune ce soir dans le ciel pour la saluer, elle dont le prénom est la déesse de la lune dans la mythologie antique. Mais sa présence et son éclat n’en sont que plus vifs. Nouvelle coqueluche du jazz vocal français, ses talents ont été vite repérés par Steve Coleman qui la prend sous son aile et la pousse à venir à New-York. Des rencontres, des voyages dans les pays de ses racines afro-caribéennes, une grande intelligence et sensibilité lui permettent en peu de temps d’absorber et de transcrire à sa manière ce qui était sans doute enfoui en elle. Et ce soir, c’est en créole qu’elle chante et rend hommage avec Moves à Steve Coleman et à Doug Hammond qui fut le batteur de Mingus. Duos de soufflants, batterie précise et bèlè quasi indispensable au contexte du concert accompagnent parfaitement la chanteuse contrebassiste et la lecture d’un extrait de Le grand camouflage de Suzanne Césaire amène une pause bienvenue. Joli rappel sur Rosa B du dernier disque, et pourtant, c’est dommage, il manquera un zeste de folie à ce concert qui empêchera l’émotion de s’exprimer totalement.
Vendredi 18 août, sixième soirée du Festival avec en première partie Les Livi’ZZ, jeune ensemble féminin depuis moins d’un an passé récemment il y a un mois à Jazz à Vienne. Composées de six femmes dont certaines sont enseignantes au conservatoire de musique et de danse de Vienne, le groupe est mené par Frédérique Brun professeur de jazz vocal. Elles sont accompagnées au piano par Philippe Khoury, (tous deux dignes parents au passage du tromboniste Robinson Khoury), responsable du pôle jazz du Conservatoire de musique de Vienne et créateur de plusieurs ensembles vocaux et pédagogue d’une grande exigence. Héritières des Double Six mais aussi des girls groups américains, elles vont nous livrer un magnifique répertoire très éclectique avec de gauche à droite Morgane Chosson, Florence Raouane, Frédérique Brun donc, Manon Borron Zaplana, Coralie Nupert et Sophie Grenouillet. Un premier morceau gospelisé tiré de la musique écrite par Carly Simon du film Working Girl, puis True Colors (United) de Cindy Lauper nous montrent un ensemble de voix parfaitement harmonisées d’autant plus agréable à écouter qu’elles sont habillées d’une palette de couleurs très élégantes. Nous irons ensuite du côté de Broadway, puis Atomic Basie en passant par Aerosmith, avec ensuite un superbe My Romance arrangé à la Metheny par Philippe Khoury, Fred Astaire et un mélancolique Libertango introduit au piano avant un dernier rappel. Concert très applaudi et très plaisant, les Livi’zz se produiront par la suite le premier septembre au Domaine Vidal Fleury à Tupin-et-Semons dans le Rhône pour une soirée jazz and wine.
En seconde partie de soirée arrive la chanteuse Camille Bertault en quintet, vocaliste et improvisatrice de premier ordre, accompagnée de Julien Alour à la trompette, Fady Farah aux claviers, Christophe (Disco) Minck à la contrebasse et Minino Garay aux percussions. Entendue à Châteauvallon en juillet 2021, j’attendais à nouveau son concert car j’aime cette chanteuse hors norme dont j’avais chroniqué le premier disque “En Vie” (label Sunnyside) en mai 2016 sur CultureJazz, totalement conquise par cette jeune femme. Je disais à l’époque à propos de ce disque : “Camille ou les quatre éléments réunis ! L’air pour le grand souffle d’air frais sur le jazz vocal français avec une voix nette et attachante, l’eau pour le torrent débordant de vie qu’elle incarne, le feu pour le tempérament qu’elle laisse entrevoir et la terre pour ses compositions solides enracinées dans les traditions dont elle s’abreuve”. Déjà venue au Festival l’été 2018 à Saint-Paul-Trois-Châteaux, elle avait littéralement enchanté l’auditoire. Cette fois, elle nous présente son dernier album “Bonjour Mon Amour” paru en mars dernier sur Vita Productions, entourée d’une formation nouvelle mais très réputée et c’est à nouveau une déferlante sur scène de textes tous plus incisifs les uns que les autres, drôles, cruels parfois, où slam, rap et présence sur scène presque théâtrale s’invitent devant les spectateurs médusés autant que ses musiciens qui sourient souvent devant son audace. On pense à Nougaro bien sûr qui aurait adoré. Les prouesses de Camille n’effacent pas le talent de ses compagnons embarqués dans une véritable aventure où nous entendrons également quelques morceaux du disque précédent “Pas de Géant” dont un inénarrable Nouvelle York. Alors, comment comprendre que cette vocaliste soit si peu programmée en France alors que tout le monde s’est levé pour l’applaudir ? Textes en français ? Jalousies ? Allez savoir… mais ne boudez pas votre plaisir et courez l’écouter les 20 et 21 octobre à Paris au Sunset Sunside!
Dernière soirée du Festival le samedi 19 août avec en première partie le quintet de la clarinettiste Aurélie Tropez, toujours au théâtre de Verdure de Buis les Baronnies. C’est la troisième fois que la jeune femme vient à ce festival, dont une fois avec le big band Duke Ladies de Laurent Mignard. Musicienne très complète qu’elle soit en big band ou avec son propre groupe, saxophoniste de formation, elle se produit ce soir en quintet original avec son compagnon Alexis Lambert à l’accordéon et au piano, Julie Saury à la batterie (venue déjà six fois, c’est dire son aura), Anthony Muccio à la contrebasse et Christophe Davot à la guitare et chant. Son disque “Open The Door” en formule octet est sorti en janvier 2022, avec ses compositions et celles d’Alexis Lambert ainsi que de nombreux standards dont elle nous jouera ce soir une bonne partie. C’est un concert jubilatoire, narcissique selon les termes d’Aurélie Tropez, puisqu’elle nous livre les origines familiales de ses inspirations (l’attente de son premier garçon avec Waiting for Evan ou la vie avec ses soeurs jumelles avec Bagoiyaya), ses peurs avec Protecting My Child et son solo de batterie très apprécié, ou encore son expérience libératrice de l’hypnose qui lui a permis d’écrire sa musique avec Parapport à l’Infini, valse tourbillonnante. Les compositions alternent avec des standards où le guitariste pousse la chansonnette de sa belle voix de crooner. Le rappel se fera avec le clarinettiste Jean-Jacques Taib et le président du festival Alain Brunet qui nous dévoilera son talent de scatteur. Une bien belle soirée de qualité où le swing a eu la part belle !
Et en clôture du festival, voilà un concert très attendu qui termine une édition remarquable par la qualité de tous les musicien(ne)s qui se sont produits dans cet “International Jazz Ladies Festival” dont je répéte c’était la 24° édition. Excusez du peu mais ce soir ce sont trois stars qui jouent : la pianiste japonaise Aki Takase vivant à Berlin (dont le mari n’est autre que le grand pianiste Alexander von Schlippenbach), le clarinettiste Louis Sclavis et le violoncelliste Vincent Courtois. Tous trois explorateurs insatiables de la planète jazz, aventuriers souvent de l’extrême, sautant les barrières et les frontières, parfois difficiles à suivre et c’est avec une oreille attentive que je les ai écoutés ce soir-là. Mise en bouche difficile, avouons-le. Les premières minutes me font l’effet d’une immersion en terra incognita dont je n’ai pas les codes et certains d’ailleurs ne se sont pas laissés embarquer à l’écoute de phrasés parfois dissonants. Dommage, car peu à peu émerge un discours audacieux beaucoup plus accessible et plaisant, disons même lyrique, où paysages pleins de douceur comme dans le second morceau, alternent avec des orages parfois violents où la pianiste malmène quelque peu son piano. Alors bien sûr, le swing d’Aurélie Tropez a totalement disparu, nous sommes plutôt dans la musique de chambre contemporaine. Mais ce soir justement, il fallait s’abandonner et non se raidir aux premières notes. Ecouter et regarder, car c’est ce que fait chaque protagoniste improvisant ensemble sur le fil du rasoir. Et il y eut de véritables moments de grâce.
C’est cela le jazz, une vaste palette où chaque expression, chaque nuance a sa place et c’est bien ce que nous avaient concocté Alain Brunet et Daniel Baillon. Qu’ils en soient ici remerciés, d’autant plus que c’est leur dernière année de présence au festival avec d’autres bénévoles, d’où une équipe renouvelée l’an prochain. Mais on nous a assuré que le flambeau serait repris, donc attendons-nous à un bel anniversaire des 25 ans en août 2024 !
Florence Ducommun, texte et photos