Les pays scandinaves ont toujours été une terre d’accueil pour les jazzmen, et ce depuis les années cinquante où les noirs américains trouvaient en Europe du Nord un refuge qui les éloignait de la ségrégation raciale encore très vive outre atlantique.
Pas étonnant que le jazz y prit facilement racines et qu’il fit naître des vocations, au point que chaque génération de musiciens nordiques eut son lot d’artistes de niveau international.
Du be-bopper Lars Gullin, aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, jusqu’au trio E.S.T. qui célébrait la naissance du XXIème siècle, la Suède a toujours été à la pointe de l’actualité musicale en faisant preuve d’une ouverture tous azimuts à laquelle le label ECM ne fut pas insensible dès sa création.
Penchés sur notre jazz national et ses caciques vieillissants qui envahissent régulièrement les scènes françaises, nous n’avons pas toujours vu naître et se développer les talents alentours dans une Europe dont on veut pourtant nous convaincre chaque jour de ses capacités fédératrices.
C’est ainsi que bon nombre de français ont pu découvrir aux côtés de la chanteuse Youn Sun Nah un fabuleux guitariste qu’ils n’avaient jamais, ou presque, vu sur scène. A croire que les oreilles coréennes sont plus grandes que les nôtres !
Pourtant Ulf Wakenius, aujourd’hui la cinquantaine brillante, avait déjà un curriculum vitae bien rempli.
Dernier guitariste du quartet d’Oscar Peterson avec qui il passa une dizaine d’années, il fut aussi membre du trio de Ray Brown et de celui de Niels Henning Orsted Pedersen (NHOP pour les intimes), sans parler de ses prestations ou de ses enregistrements avec Jack DeJohnette, Randy Brecker, Billy Hart, Pat Metheny, Herbie Hancock ou Jim Hall.
Autant dire qu’on a affaire à un grand bonhomme du jazz, même si sa curiosité le pousse aujourd’hui vers toutes les musiques du monde.
Virtuose de la guitare acoustique qu’il utilise exclusivement aujourd’hui, Ulf est aussi un rythmicien hors pairs mais c’est son sens lyrique qui nous chavire, chacune de ses notes nous allant droit au cœur dans les ballades qu’il sait si bien choisir ou écrire.
Du groove à la délicatesse, du déluge sonore au presque silence, chaque concert de Ulf Wakenius recèle son « moment magique » qui nous enchante.
Philippe VINCENT
