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Anglet, l’ouverture

Anglet Jazz Festival : Sous le signe de l’ouverture.

Quatre ans déjà que le cœur du festival d’Anglet bat dans le beau Théâtre du Quintaou, s’ouvrant à deux autres lieus pour la première et la dernière journée.

L’édition 2017 a donc commencé le jeudi 21 septembre aux Ecuries de Baroja, dépendances joliment restaurées d’un château du XIXème siècle assis au milieu d’un parc aux arbres séculaires. Cédant à une mode discutable, les artisans de cette restauration ont implanté au sein de ce lieu unique une sorte de grande boîte à chaussures toute noire où l’on peut entasser entre 60 et 80 personnes qui constituent autant de radiateurs humains qui, aidés par quelques projecteurs et une sonorisation dont on se demande si elle est bien nécessaire dans un si petit espace, portent vite la température ambiante à une trentaine de degrés. Mais peu importait le flacon ce soir-là car l’ivresse fut au rendez-vous grâce à quatre garçons dans le vent du jazz dont le nom de groupe, Capucine, n’augurait pas d’une si belle surprise. Vainqueurs du Tremplin 2017 organisé par l’association bordelaise Action Jazz et remarqués par Marc Tambourindeguy, l’avisé directeur artistique du festival, ces jeunes gens issus du Conservatoire de Bordeaux ont à peine plus de vingt ans mais ils ont déjà une maturité remarquable. S’il n’est pas rare de rencontrer aujourd’hui des jeunes musiciens d’un tel niveau technique, il est moins fréquent de les sentir pétris de l’esprit du jazz comme le sont ceux de Capucine qui, en outre, ont déjà un vrai son de groupe. La valeur des deux solistes (Thomas Gaucher à la guitare et Félix Robin au vibraphone) et la qualité de la paire rythmique qui les soutient (Louis Laville à la contrebasse et Thoman Galvan à la batterie) ont apporté à cette première soirée un vent de fraîcheur aussi surprenant que bienvenu.

 

Photos Florence Ducommun

Les vendredi et samedi soir on retrouvait le confort du Théâtre Quintaou pour quatre concerts programmés dans un esprit d’ouverture auquel tient Marc Tambourindeguy. Beaucoup furent surpris d’y entendre la chanteuse Mathide, finaliste de l’émission The Voice, qui revendique une filiation avec le jazz plus qu’elle ne le montre à travers un répertoire essentiellement personnel qui trouve sa place dans le vaste courant de la chanson française dite de qualité. Une jolie voix pure au service d’une musique souvent intimiste (sorte de saudade frenchy où l’amour déçu est un thème récurant) qu’on écouterait facilement sans le concours d’une batterie trop présente. Puis vint le maestro Enrico Pierranunzi et son trio premium. Lui qui multiplie les projets et les enregistrements présentait ce soir-là la musique de l’un de ses derniers albums (Ménage à Trois-Bonsaï Music) en compagnie de Diego Imbert et de André Ceccarelli. Partant d’œuvres de compositeurs classiques qu’il chérit tout particulièrement et où les français sont en bonne place (Debussy, Satie, Fauré, Milllhaud, Poulenc), il mit le feu au clavier avant de l’éteindre à force de caresses que son touché rend uniques. Faisant référence à toutes les compositions sur le mode mineur que fit Pieranunzi par le passé, mon collègue de Jazz Magazine Ludovic Florin qui fit sa thèse sur le pianiste romain me fit remarquer avec humour que la période « dépression » d’Enrico était bel et bien terminée !  Un grand concert dont les angloys se souviendront. Puis ce fut le trio Fox (Pierre Perchaud-g, Nicolas Moreaux-b, Jorge Rossy-dms) qui ouvrit la soirée du samedi en compagnie du saxophoniste Chris Cheek arrivé de New-York le matin même pour se joindre au « renard » pour une tournée européenne. Là encore les amateurs de jazz furent à leur affaire. Sur un répertoire inspiré de la Nouvelle Orléans, le quartet fut étonnant d’homogénéité après six mois sans concerts. Si Pierre Perchaud parut plus assagi dans ses solos que lors du concert que nous vîmes en mars dernier à Angoulême, il est toujours d’une exceptionnelle musicalité. Nicolas Moreau est impérial sur sa contrebasse (sonorité, sobriété, efficacité) et Chris Cheek, avec un son d’une amplitude remarquable et un phrasé d’une fluidité getzienne, a mis plus d’un auditeur sur le cul. Quant à Jorge Rossy, ce fut une fois de plus un immense bonheur d’entendre avec quelle discrétion et quelle souplesse il pousse tout ce petit monde du bout de ses baguettes, improvisant et soutenant ses partenaires à la fois dans un jeu dont la simplicité apparente cache une très grande maestria. Le disque de ce quartet sort ces jours-ci (« Pelican Blues »-Label Jazz & People) mais il faut espérer que ces quatre gaillards n’en resteront pas là.

DR

Le Jaleo 3 du guitariste Louis Winsberg témoigna ensuite et encore de l’ouverture du festival à d’autres musiques que le jazz. Comme pour Dhafer Youssef il y a deux ans, le public fut très partagé entre fans de jazz restant sur leur faim et amateurs de world music enchantés du concert, la plupart s’accordant au moins sur une critique d’un niveau de décibels malheureusement très à la mode de nos jours mais inattendu pour un concert de flamenco, fut-il électrifié par notre chère énergie nucléaire. Prestation de haut niveau pour une musique qui n’est pas la nôtre.

Changement de décor le dimanche où l’AJF s’installa dans le parc de la mairie d’Anglet dès 13 heures pour la journée « Jazz sur l’herbe ». Entrée gratuite, pique-nique souvent apporté par les spectateurs et grand soleil au rendez-vous, la musique n’est ici qu’une partie du plaisir d’un public moins connaisseur et plus varié. L’exercice de programmation n’en est que plus délicat mais Marc Tambourindeguy s’en est sorti une fois de plus avec habileté. Pas question d’abandonner le jazz qui est l’identité du festival mais difficile de mettre à l’affiche une musique intimiste ou des orchestres réclamant une qualité d’écoute optimale. C’est donc un brass band qui ouvre la journée en plein air et qui ponctuera les prestations sur scène. On dira que le Bizz Band est un orchestre à mobilité réduite, la batterie et la guitare électrique empêchant de se mouvoir dans le public mais permettant un répertoire élargi qui n’a rien de revival et qui sème la bonne humeur à tous vents. Le solide quintet du pianiste Serge Moulinier fut ensuite le premier à monter sur scène et sa musique actuelle et tonique était idéale en ce lieu. Belles qualités de soliste du leader, du guitariste (Christophe Maroye) et du saxophoniste (Alain Coyral) soutenu par une excellente rythmique (Christophe Jodet et Didier Ottaviani). La qualité rythmique était aussi au rendez-vous avec le dernier groupe qui allait clôturer le festival. Le trio de la jeune chanteuse Hyleen et sa musique funk allait mettre le feu au parc, Jean-Marie Ecay venant ajouter son délire guitaristique à une musique de fête où le claviériste Julien Boursin et le batteur Nicolas Vicarro ne furent pas les dernier à convoquer le groove à cette fin d’après-midi clôturée sur un morceau de Prince.

Philippe VINCENT          

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