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Paul BLEY

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Il est des musiciens que l’on cite rarement lorsque l’on vous demande de dire quel serait votre jazzman préféré.
De par sa discrétion et sa subtilité,  Paul BLEY est probablement de ceux là.

Et pourtant, il était non seulement hors de question que notre rédaction ne lui rende pas hommage, mais en plus il aurait été cruel de choisir qui en aurait la charge.

Voici donc, ci dessous, deux ou trois choses que nous  savons de Paul …[/vc_column_text][vc_separator][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width=”1/3″][vc_single_image image=”3274″ title=”“ Souvenir de Paul “”][vc_column_text]Au début des années 80 j’avais l’intention de créer une société de distribution qui aurait eu pour objectif de diffuser en France un certain nombre de labels de jazz. Soul Posters, Freebird ou Musica (pour qui j’avais travaillé) étaient autant de compagnies indépendantes qui avaient su profiter de l’inertie des majors mais qui n’avaient pas réussi à assurer leur pérennité. Fort de quelques années d’expérience dans le métier du disque, je commençais à lister les labels sans distribution française et ceux qui avaient fait chez nous une expérience malheureuse qui s’était souvent soldée par une ardoise en bonne et due forme.

Parmi eux, il y avait IAI (Improvising Artists Inc.), marque créée par Paul Bley que je connaissais déjà comme musicien. Sam Rivers, Lee Konitz, Jaco Pastorius, Steve Lacy, Gary Peacock et quelques autres étaient déjà au catalogue, mais il y avait deux disques que je considérais comme des chefs d’œuvre : Quiet Song, une dentelle musicale ciselée par Paul Bley, Jimmy Giuffre et Bill Connors, et Alone Again, un piano solo de Paul qui était du niveau du fameux Open To Love paru chez ECM quelques années plus tôt.

Je ne sais plus comment j’avais obtenu le téléphone de Paul Bley mais je l’appelai de ma Charente natale et on décida de se rencontrer lors de son futur passage à Paris. Rendez-vous fut pris à La Rhumerie, boulevard Saint-Germain, histoire de faire connaissance avant d’aller dîner dans un restaurant du quartier, je ne sais plus lequel. C’était début 1982, Paul n’avait pas encore 50 ans et le grand et beau mec qu’il était ne passa pas inaperçu quand il entra à la terrasse de La Rhumerie coiffé de son chapeau. Au restaurant, je me rappelle combien il me fut difficile de parler bizness avec cet artiste que j’admirais tant et qui était un charmeur né. Quand il en vint à me proposer de lui envoyer l’argent de ma première commande avant qu’il m’expédie ses disques afin de m’éviter des frais de contre remboursement, je compris dans l’instant qu’il avait compris que ma candeur (j’avais 28 ans) allait lui donner les clés du deal. Et je me rappelais un conseil qu’on m’avait donné peu de temps auparavant : « Ne parle pas de blé avec Paul ».

Au-delà du jeu de mot, j’avais compris qu’il valait mieux tout verrouiller avec lui. La suite du dîner fut des plus agréables. On parla musique et il me raconta plusieurs anecdotes, de celles que les amateurs que nous sommes aiment entendre de la bouche des musiciens. L’une d’elles est restée dans ma mémoire. Paul Bley jouait dans un club à New-York et son ex-femme, Carla, entra au bras de Cecil Taylor, plus pour provoquer un défi pianistique qu’une rivalité masculine puisque Cecil était homosexuel. Ils quittèrent leur table au milieu du dernier set et à la fin de la soirée on demanda à Paul de régler leurs consommations, Carla ayant dit au serveur : « Vous mettrez ça sur la note de mon mari !».

Le montage de ma compagnie de distribution (OMD) ayant été retardé d’un an, je ne donnai pas suite au deal possible avec IAI. Mais en 1984, lorsque je créai mon label de production, il me fallait lui trouver un nom. On se rappela alors avec mon associé que le jour où l’on s’était connu on s’était avoué une passion commune pour une version d’Ida Lupino (composition de Carla Bley) que Paul Bley avait enregistré en trio sur son disque « Closer » (ESP) avant de réenregistrer le morceau sur Open To Love (ECM). C’est ainsi que, les années suivantes, Barney Wilen, Louis Sclavis, Enrico Pieranunzi ou Laurent de Wilde allaient tous enregistrer une série de disques sur le label Ida Records.

Philippe VIincent

.[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width=”1/3″][vc_single_image image=”3268″ title=”“ L’ ordre du chaos “”][vc_column_text]Libre sans être ” free “, Bley joue libéré d’influences, ordonnant son trio à partir de solos, où chacun commence par exister seul, sondant préalablement son instrument, comme un peintre prépare ses toiles, peintures, pinceaux, un sculpteur ses poinçons, pics, marteaux, préliminaires à l’immersion au cœur du trio, pour partager avec ses partenaires, un trilogue, bien plus qu’un dialogue.

Piano méditatif, réminiscences de Bach, ostinatos chantant, divagations atonales, accélérations fulgurantes, contrebasse véloce, pizzicatos de cordes arrachées, bois vibrant de graves profonds, batterie surgissant d’une forge, éclats de métaux martelés, brossés, pliés, écrasés, froissés, tintements de cloches, bruissements de balais, vibrations de peaux, claquements de fûts, la matière instrumentale, préparée par Bley, Di Castri, Oxley, est prête pour l’échange du trio .

D’abord duo-logue piano/batterie, les duellistes, croisent bois et fer, chocs d’ivoire et d’ébène réverbérés, caresses de cuivre, gerbes d’acier, alternances d’éclats de silences, vifs foisonnements percussifs, jets acoustiques pétrissant la sculpture sonore, éblouissante, enrichie par la pulsation nerveuse de la contrebasse.

Paul Bley, bouleverse l’art du trio, du dialogue à trois, avec Swallow/La Roca, Peacock/Motian, Holland/Altschul, Di Castri/ Oxley, l’explorant comme un trilogue, privilégiant l’espace, le temps, la respiration, érigeant le son en sculpture, l’improvisation développée en esquisse picturale, donnant naissance à la matière issu du silence, lumière jaillissant du néant, transformant le chaos sonore en harmonie, faisant imploser le désordre, donnant forme à un ordre esthétique, libéré des contraintes mélodiques, un état de l’art de l’épure musicale, intemporel.

Christian Pouget[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width=”1/3″][vc_single_image image=”3270″ title=”“ Une porte sur le Jazz “”][vc_column_text]Janvier 77, Paul Bley est encore pour moi la “Belle Gueule” sur la pochette ESP de l’album « Closer » découverte chez mon ami Patrick, cinq ans plus tôt.

Mais, de quel Jazz Paul Bley est-il le nom ?…

Il était temps de le savoir et de répondre à l’appel radiophonique de Dédé Francis pour découvrir Paul Bley en duo live avec Gary Peacock.

Pour cela il fallut, avec Marion, sacrifier un dimanche bordelais pour monter à Paris où j’étais étudiant.

Gare d’Austerlitz, métro et course à pieds, et …
Trop tard pour entrer à l’Espace Cardin qui est à guichet fermé.
Début d’émeute festive pour forcer l’entrée principale, quand subrepticement une porte dérobée s’ouvre avec la complicité d’un inconnu.

Escalier de secours grimpé dans la confusion, arrivée directe sur le balcon dans l’obscurité et en silence, alors que Paul Bley est en plein solo introductif.

Dans un mélange d’excitation et d’émerveillement, ce fut un moment de grâce initiatique devant tant de musicalité, d’équilibre et de complicité.

Ce fut aussi un plaisir intact d’en reparler avec lui à la faveur du concert en solo programmé cinq ans plus tard Salle Molière à Montpellier.

Ce dimanche 30 janvier 1977, la porte dérobée de l’Espace Cardin s’est ouverte, grâce à Paul Bley, sur un univers du Jazz dont je ne sais toujours pas le nom,
mais dont je sais qu’il éclaire ma vie de ses « audaces intimistes *».

So long, “Mr Joy”.

J.Paul Gambier

(*) clin d’œil à Philippe Carles

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