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L’avenir en héritage / Prospectus

Prospectus : Léa Ciechelski (as, fl), Henri Peyrous (ss, bcl), Julien Ducoin (b), Florentin Hay (dms, glock).
Tours, Petit Faucheux, 30 avril 2022

© Rémi Angéli

Il n’est pas certain que la foule qui, ce 30 avril, menaça de submerger le Petit Faucheux, répondait à l’invitation de l’Unesco qui l’a décrété « Journée internationale du jazz »[1]. Mais il y avait deux bonnes raisons d’avaler des kilomètres pour se rendre à celle du club tourangeau ; écouter la seule date française du quintet de Myra Melford, et, par la même occasion, découvrir Prospectus, une jeune formation d’implantation en partie locale en lice pour Jazz Migration 2022.

En cinq volets, ce Prospectus aura intrigué, charmé, conquis jusqu’aux plus fines oreilles, les plus exigeantes. Sissi : exposé à l’alto, contrechanté à la clarinette basse – Naïma en profil perdu –, soutenu par un ostinato à pas feutrés ; cette entrée en matière rompait d’emblée avec l’air d’un temps dominé par un jazz de conservatoire, un jazz de premiers de la classe se poussant du col et prompts à lever le doigt. Le premier solo de Léa Ciechelski donnait le ton. D’une sonorité presque blanche, elle articule avec douceur un phrasé anguleux pour laisser libre cours à une invention mélodique portée par un strict sens du développement libre de tout cliché. Là est le legs, inestimable, de celui qui a ouvert un espace immense où respirer à l’écart des encombrements. Car, discrètement, Lacy est présent à tous les étages de la musique de Prospectus. Le nom, déjà, de ce quartet à deux soufflants, son répertoire original, des thèmes qui empruntent les échelles de haricots grimpants (Galerie), qu’ils désescaladent d’un pied sûr (Sarah), sur lesquels se déploient enfin non des solos mais des chants, riches et sereins ; frais. Pour autant, la totale réussite de cet ensemble repose sur la complète assimilation de tous ces éléments qui opèrent souterrainement, affleurent naturellement et s’épanouissent en toute autonomie, sans plus d’affichage référentiel. Car point par point, on pourrait souligner au contraire par quoi passe l’émancipation : une palette de timbres qui autorise de belles combinaisons, voire de subtils tuilages comme dans Galerie oùla flûte sera d’abord doublée de la clarinette basse, puis du soprano. La fournaise rythmique s’allège, Julien Ducoin s’abandonnant avec confiance à son inspiration mélodique dans un registre grave. Les denses flamboiements du quartet de Lacy laissent place à une énergie plus sage, soucieuse d’entretenir un espace aéré, fluide. C’est un plaisir sans nom que de trouver en Lea Ciechelski une admiratrice de Steve Potts, dont elle transpose en quelque sorte la singularité de la voix et de la posture. Avec Henri Peyrous, qui offre en miroir ses constructions délicates et fermement assises, de belles lignes, des trajectoires de tête chercheuse, la complémentarité se fait complétude. Dans une dernière pièce, si l’empreinte du maître était sensible jusque dans la façon de loger des slaps sans briser la continuité de la ligne, c’était sans servilité aucune. Des changements de rythme, accélérés, décélérés, un duo de saxophones pépié dans une tessiture moyenne, il y avait là de l’amitié, de la reconnaissance, la promesse d’une mémoire pérenne, et l’appareillage pour de nouveaux horizons en gage d’un héritage bien compris. Prospectus : entre Remains et Futurities.

Philippe Alen


[1] Rappelons, pour satisfaire une curiosité mal placée, les attendus de cette Journée : « Le jazz fait tomber les barrières et crée des opportunités de compréhension mutuelle et de tolérance ; c’est un vecteur de la liberté d’expression ; c’est un symbole d’unité et de paix ; il permet de réduire les tensions entre les individus, entre les groupes et entre les communautés ; il favorise l’égalité des sexes ; il renforce le rôle joué par les jeunes dans le changement social ; il encourage l’innovation artistique, l’improvisation, de nouvelles formes d’expression et favorise l’inclusion de formes de musique traditionnelles dans de nouveaux courants ; il stimule le dialogue interculturel et valorise les jeunes issus de milieux marginaux. » Mazette !

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